Principes de Prévention
Départ Avant-propos Introduction Problématique Détermination du Risque Principes de Prévention Prévention Enregistrement Groupes Aperçu des matériels

pour la prévention des escarres

 

Départ

<Principes> <Continuité dans la prévention> <Mesure de la Pression> <Références>

1. Principes

Les escarres sont causées par une hypoxie résultant d'une compression des vaisseaux sanguins occasionnée par une déformation tissulaire. Cette déformation résulte d'une combinaison de forces de pression et de cisaillement.

La prévention des escarres nécessite une approche s'attaquant aux causes. Elle peut être mise en oeuvre par:

  • une diminution de l'intensité de la pression et du cisaillement;
  • une diminution de la durée pendant laquelle s'exercent la pression et le cisaillement;
  • une combinaison des deux éléments précédents.

Des mesures au niveau de la tolérance tissulaire (p.ex. des mesures en matière d'alimentation et d'humidité) n'ont qu'une valeur complémentaire.

La condition essentielle reste une diminution suffisamment importante en durée et en intensité de la pression et du cisaillement.

1.1. Diminution de l'intensité de la pression et du cisaillement

Quand la pression ou le cisaillement diminuent, le risque d'une entrave à l'irrigation sanguine des tissus diminue également. Le tissu continue de bénéficier d'un apport suffisant en oxygène et aucun dommage irréversible ne se produit.

L'intensité de la pression est déterminée entre autres par la surface de contact (surface sur laquelle s'appuie le patient lorsqu'il est couché sur un matelas ou assis sur un coussin). Quand cette surface augmente, la pression se redistribue davantage et diminue en conséquence[1]. Par ailleurs, l'épaisseur et la compressibilité des tissus corporels soumis à pression déterminent en partie la proportion dans laquelle la pression peut se redistribuer dans les tissus.

Des dispositifs qui réduisent la taille de la surface de pression (par ex. des coussins en forme d’anneau) ne diminuent dès lors pas la pression. (1)  

1.2. Diminution de la durée pendant laquelle la pression et le cisaillement s'exercent

Quand la durée pendant laquelle le tissu subit une pression et un cisaillement diminue, le risque de formation d'escarres se réduit d'autant. Il est essentiel que l'hypoxie ne persiste pas pendant un temps trop long, sinon elle peut occasionner un dommage irréversible. Ce temps est fonction de la mesure dans laquelle l'apport en oxygène diminue au niveau de la cellule. Plus cette diminution est importante, plus vite apparaissent des lésions irréversibles.

  

Continuité dans la prévention des lésions de décubitus

Les lésions de décubitus sont provoquées par l’effet combiné d’une pression et d’un cisaillement.  Cela signifie donc que pour prévenir les lésions de décubitus, il y a lieu de réduire tant l’intensité que la durée de la pression et du cisaillement.  Le chapitre 4 aborde la manière dont cela peut se faire.

 Pour pouvoir parler d’une prévention adéquate en matière d’escarres, il y a lieu de prendre des mesures de prévention effectives.  Des mesures non effectives (non effectives, mais ne lésant pas le patient, par exemple l’état nutritionnel) et des mesures dommageables (par exemple friction à la glace, peau de mouton etc.) ne conviennent pas dans le cadre d’une prévention adéquate.  Par ailleurs, il convient également de garantir la continuité de la prévention.  Il est nécessaire de prendre des mesures préventives, tant lorsque le patient est alité, que lorsqu’il est assis dans une chaise roulante, dans un fauteuil ou sur une chaise, et aussi pendant les transferts ou lors d’une intervention.  Si un patient à risque ne bénéficie pas, 24 heures sur 24, d’une prévention effective, il court un risque réel de développer une lésion de décubitus.

Prenons par exemple un patient qui dispose d’un matelas à réduction de pression, qui bénéficie d’un positionnement alterné selon le schéma recommandé dans les présentes directives et chez lequel le principe de soulèvement des talons est appliqué.  Ces mesures sont en parfaite conformité avec les recommandations.  Cependant, ce patient ne dispose pas d’un coussin à réduction de pression et ne fait pas l’objet d’un changement de position lorsqu’il est assis.  Chez ce patient, la prévention est donc correctement réalisée en position couchée mais non en position assise.  Ni l’intensité, ni la durée de la pression et du cisaillement ne sont réduites en position assise, ce qui peut éventuellement entraîner l’apparition de lésions de décubitus.   Par conséquent, on ne peut parler, en l’occurrence, de prévention adéquate.

 Une prévention adéquate implique donc également, outre l’application des mesures de prévention appropriées (voir chapitre 4), la garantie de la continuité de celles-ci.

2. Quelques commentaires au sujet de la mesure de la pression

La capacité d'une couche sous-jacente à réduire la pression peut être mesurée de plusieurs façons (mesure de la pression par contact, mesure transcutanée de la pression d'oxygène, thermographie, laser-doppler etc…). Ces procédés présentent chacun des avantages et des inconvénients et ne fournissent qu'une image indirecte de la déformation tissulaire en profondeur résultant d'une pression (et d'un cisaillement) (2). La méthode la plus courante et la plus facile à mettre en oeuvre est la mesure de la pression par contact. Cette méthode est non invasive, relativement peu coûteuse et validée dans de nombreuses recherches.  Il existe un lien entre la pression de contact et le développement ou non de lésions de décubitus (3).

On recourt fréquemment à cette méthode, quelquefois abusivement. Il importe donc de formuler quelques remarques à son sujet:

·        On ne dispose pas d'une valeur minimum de la pression permettant de vérifier si un matériau est en mesure de prévenir une escarre. Le seuil de 32 mmHg qui est parfois utilisé (surtout dans des dépliants de firmes) est erroné. Cette valeur se rapporte à une mesure de la pression au niveau des capillaires des bouts des doigts (4). Du côté artériel du capillaire, la pression variait entre 21 et 32 mmHg (en moyenne 32 mmHg – de là, la valeur limite fictive). Du côté véneux, la pression était beaucoup plus basse (de 6 à 18 mmHg). La pression s’est révélée fortement influençable par la température de la peau, l’histamine et la présence d’une lésion cutanée; elle différait de personne à personne. Si, en outre, une pression est exercée sur le tissu, le mécanisme de l’autorégulation fera que la pression augmentera dans les vaisseaux sanguins (5). Une valeur limite valable pour chaque individu – et garantissant qu’en-deçà, il n’y a aucun risque de dommage tissulaire – n’existe pas (6).

·        Des mesures de la pression peuvent être utilisées pour comparer des matériaux à condition de tenir compte de toute une série de facteurs (sensor drift, nombre de capteurs utilisés pour la mesure d'une surface, durée de la mesure, absence de changements dynamiques, taille et épaisseur du capteur, caractéristiques du tapis de mesure (entre autres la flexibilité), possibilité d'effectuer une mesure exacte de la pression maximale, procédure, nombre et caractéristiques  des sujets d'expérience, reproductibilité des mesures etc…), faute de quoi les mesures ne sont pas fiables (7-12).

·        Quand on utilise des systèmes dynamiques (matelas à air alterné), les valeurs de la pression par contact à utiliser ne sont pas connues précisément. La pression par contact se modifie en effet cycliquement. La littérature présente divers procédés (13) (14): mesure des pressions maximales et minimales (6), mesure de la pression moyenne pendant un intervalle de temps donné (15), mesure de la pression cumulée après un temps donné (mmHg/heure) (16) et mesure des périodes cumulées durant lesquelles la pression est inférieure à 10 mmHg, 20 mmHg et 30 mmHg (17). En raison du changement cyclique de la pression des systèmes dynamiques, les résultats des mesures de la pression, de quelque façon qu'on les obtienne, sont difficilement interprétables. Comparer des systèmes statiques (p.ex. des matelas à réduction de pression) avec des systèmes dynamiques (p.ex matelas à air alterné) c'est comparer ce qui ne peut l'être.


[A]

P = (9,81 x M) / A; avec P = pression en Pascal, M = masse en kg, A = superficie en m2     

Conversion de Pascals en mmHg: 760 mmHg = 101.325 Pascals  

Références

(1)       Panel for the Prediction and Prevention of Pressure Ulcers in Adults. Pressure ulcers in adults : prediction and prevention. Clinical practice guideline number 3. Rockville: Agency for Health Care Policy and Research, Public Health Service, U.S. Department of Health and Human Services, AHCPR Publication No. 92-0047, 1992.

(2)       Defloor T. Drukreductie en wisselhouding in de preventie van decubitus. Universiteit Gent, 2000.

(3)       Brienza DM, Karg PE, Geyer MJ, Kelsey S, Trefler E. The relationship between pressure ulcer incidence and buttock-seat cushion interface pressure in at-risk elderly wheelchair users. Arch Phys Med Rehabil 2001; 82(4):529-533.

(4)       Landis E. Microinjection studies of capillary blood pressure in human skin. Heart 1930; 15:209-228.

(5)       Bennett L, Lee BY. Pressure versus shear in pressure causation. In: Lee BY, editor. Chronic ulcers of the skin. New York: McGraw-Hill, 1985: 39-56.

(6)       Krouskop TA, Garber SL, Noble P. Pressure management and the recumbent person. In: Bader DL, editor. Pressure sores. Clinical practice and scientific approach. London: MacMillan, 1990: 235-248.

(7)       Soede M. De betekenis van innovatie in drukmetingen voor geneeskunde en revalidatie. Den Haag: Senter, 1999.

(8)       Barnett RI, Shelton FE. Measurement of support surface efficacy: pressure. Adv Wound Care 1997; 10(7):21-29.

(9)       Beebe D. Accuracy of pressure and shear measurement. In: Webster JG, editor. Prevention of pressure sores. Engineering and clinical aspects. Bristol: Adam Hilger, 1991: 155-174.

(10)     Zhou R. Bladder pressure sensors. In: Webster JG, editor. Prevention of pressure sores. Engineering and clinical aspects. Bristol: Adam Hilger, 1991: 109-120.

(11)     Barbenel JC. Measurement of interface pressures. In: Barbenel JC, Forbes CD, Lowe GDO, editors. Pressure sores. London: Macmillan, 1983: 67-78.

(12)     Watkoskey C. "Pressure ulcers: collaboration in wound care. Is there a reasonable approach?" [letter; comment]. Ostomy Wound Manage 1997; 43(7):6.

(13)     McLeod AG. Principles of alternating pressure surfaces. Adv Wound Care 1997; 10(7):30-36.

(14)     Rithalia SV, Heath GH, Gonsalkorale M. Assessment of alternating-pressure air mattresses using a time-based pressure threshold technique and continuous measurements of transcutaneous gases. J Tissue Viability 2000; 10(1):13-20.

(15)     Sideranko S, Quinn A, Burns K, Froman RD. Effects of position and mattress overlay on sacral and heel pressures in a clinical population. Res Nurs Health 1992; 15:245-251.

(16)     Crow RA, Clark M. Current Management for the prevention of pressure sores. In: Bader DL, editor. Pressure sores. Clinical practice and scientific approach. London: MacMillan, 1990: 43-52.

(17)     Rithalia S, Gonsalkorale M. Comparison of four alternating pressure air mattresses using a time based pressure treshold technique and continuous measurements of transcutaneous gases.  19. 1997. Oxford, The first European Pressure Ulcer Advisory Panel Open Meeting.

<Principes> <Continuité dans la prévention> <Mesure de la Pression> <Références>

Defloor T., Herremans A., Grypdonck M. et al. Herziening Belgische richtlijnen voor Decubituspreventie. Brussel: Federaal Ministerie van Sociale Zaken, Volksgezondheid en Leefmilieu, 2004.